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il faut moral(e) garder
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14 octobre 2012

Azel capricieux ... eho, c'est mon domaine, ça !

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J'ai roulé à 190 kms/heure pour parcourir les 170 kms qui me séparent de mon lieu de travail. Ce n'est pas inhabituel, j'aime intensément la vitesse et prie régulièrement le ciel de ne point mettre de petits hommes bleus sur mon chemin. C'est un risque, certes, mais le manque d'adrénaline est un risque autrement plus difficile à gérer pour moi. J'ai rendez-vous avec Azel, à sa demande, et son assistante a réussi à trouver une petite demi-heure commune dans nos agendas. Nous avions démarré un échange de mails, dans lequel je lui demandais quelques éclaircissements sur un projet et les ressources à mettre en regard. Azel n'aime pas beaucoup laisser des traces écrites et le fait qu'il m'ait proposé de nous voir pour en discuter ne m'étonne guère. Ce qui m'ennuie d'avantage est le décalage entre son mail, faussement factuel, dans lequel il m'engage à intégrer Galaad sur mon budget, compte-tenu de sa grande expérience, et ce que je sais de sa contrariété actuelle vis-à-vis de ce même Galaad dont il veut manifestement se débarrasser. Sa réponse est donc contradictoire, je ne pense pas qu'il souhaite effectivement que je garde cet homme dans mes ressources. J'ai décidé d'éluder soigneusement toute question personnelle et de ne répondre que sur un ton neutre, dans une optique d'apaisement. Je n'ai aucune envie de contrarier Azel. Je suis quelque peu inquiète tout de même, car un Azel en colère a largement les capacités de vous flanquer un aller-retour retentissant en bien moins de temps qu'une demi-heure de face-à-face.

Azel est assis devant moi et tandis que je lui réexplique patiemment la difficulté d'intégrer Galaad dans mon budget alors qu'il était prévu sur le sien, je le vois se refermer dans une attitude renfrognée que je ne lui connaissais pas. Il le sait, ça lui est égal : que je me débrouille comme je veux, il ne gardera pas Galaad. Point. Je conserve ma tranquillité de surface, bien décidée à ne lui donner aucune indication sur ce que je sais ou non de sa brusque rupture relationnelle avec Galaad. Du même coup, mes réactions sont lisses et rien ne transparaît de mes interrogations. J'indique calmement à Azel que la prestation de Galaad est de toutes façons beaucoup trop chère et que, dans l'hypothèse où je parviendrais à obtenir ce budget imprévu, ce n'est pas lui que je prendrais. J'espère par là calmer Azel, lequel est présentement aussi accessible qu'un enfant boudeur.

Je m'interroge quand même sur ce qui a pu provoquer cette rupture aussi brutale qu'inattendue entre Azel et Galaad. Je les pensais dans une relation de longue date et sur un mode plutôt amical (dans les limites d'Azel à fonctionner sur ce mode, bien entendu). Je n'ai aucune idée de ce qui s'est passé. Mais aucune intention non plus de m'en mêler, ni d'ailleurs de rester au milieu d'un affrontement entre deux mâles blindés à la testostérone. Je ne veux rien savoir, je sais juste qu'il serait tout à fait inconscient de ma part de garder une ressource dont Azel ne veut pas. En tous cas, pas chez moi. Galaad ne méritant aucunement que je contrarie Azel pour lui, le choix est vite fait et sans appel.

Mes réponses ne semblent pas donner satisfaction à Azel. Il veut manifestement autre chose. Il revient donc à la charge, m'indiquant sur un ton agressif qu'il lui semble que Galaad ''s'entend si bien avec tout le monde, non ?''. Je suis en train d'écrire et lève légèrement les yeux en répondant sereinement que je vais m'occuper du problème. Azel me regarde, je le sens, et il aimerait probablement que je le fixe dans les yeux à cet instant précis. Ce que je me garde bien de faire. Car Azel lit dans le regard des gens aussi sûrement que je le fais (le regard étant, ça va sans dire, une mine d'informations pour qui sait en interpréter les nuances). Et je n'ai aucune intention de le renseigner.

Je viens de comprendre ce que veut Azel : une réaction de ma part. Le fait que je reste aussi indifférente semble l'agacer : je sens confusément qu'Azel a besoin de m'atteindre. Je persiste donc dans le mode inaccessible et fais bravement face à ses attaques qui, pour l'heure, relèvent plus du caprice que de la réelle colère. Azel capricieux. Voila qui est nouveau. C'est surtout extrêmement surprenant, car ce faisant, Azel a une attitude qui ne relève pas vraiment de celle qu'on s'attend à voir dans un monde professionnel. Et tout en me parlant, il conserve cet air buté d'enfant contrarié. Je suis en train de penser que c'est vraiment très inhabituel car il me semble qu'Azel est très attentif à ne jamais rien laisser paraître. Pour autant, il serait en train de me faire une scène qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Etrange et déroutant. Assez attachant aussi, ce qui fait que je prends grand soin de ne pas adopter le même mode que lui. Je suis sure que si je le faisais, Azel en retirerait une grande satisfaction. Mais elle serait éphémère : Azel veut que je réagisse, c'est de plus en plus évident, je ne sais pas pourquoi il y met tant d'insistance et pourtant j'ai le sentiment qu'il ne souhaite pas vraiment que nous nous fâchions (sinon, ce serait déjà fait, il est très doué pour envenimer n'importe quelle situation quand ça l'arrange et je ne suis pas mauvaise non plus dans le registre).

Je viens de me lever, mettant fin à notre entretien, tout en indiquant à Azel que l'avantage indéniable est que l'on repart avec plus de questions que de réponses lorsqu'on le rencontre. Cette remarque m'a échappé. Qu'ai-je voulu dire au juste ? Moi aussi, j'ai quelques questions le concernant, cependant il me semble que je fais simplement référence à une information qu'il vient de me donner et qui, dans sa bouche, a pris l'intonation de l'autorité brutale qu'il lui arrive d'adopter (je dis ''il me semble'', mais au fond de moi, je n'en suis pas si sure). Car ne parvenant pas à m'ébranler, Azel a tenté autre chose : je reste calme mais dois vérifier cette information qui est quelque peu contrariante.

Azel se lève à son tour en me demandant exactement ce à quoi il n'a pas répondu. Il me fixe, très en colère et c'est comme s'il avait sauté sur l'occasion pour m'empêcher de me sauver. Je me suis figée et le regarde, sans réaction apparente, tandis que ses yeux étincellent et qu'une légère rougeur couvre ses joues. Sa colère me semble disproportionnée par rapport à ma remarque. Il me redemande sur un ton agressif à quoi il n'a pas répondu, au juste, et qui fasse partie de son périmètre. Son périmètre. Ses yeux se sont tournés vers la gauche alors qu'il était en train de prononcer ces mots, ceci de manière parfaitement synchronisée et donc, à priori, involontaire. Perturbée comme je le suis, je ne peux dire précisément s'il regarde en haut, au milieu ou vers le bas, de ce fait je ne suis pas en capacité de détecter s'il est en train de faire appel à sa mémoire auditive ou à sa mémoire visuelle, ou bien encore s'il se parle à lui-même. Dommage, j'aurais pu compléter quelques hypothèses le concernant...

Azel se dirige vers la porte de son bureau, me barrant la route, tout en marmonnant qu'il a répondu à ce qu'il pouvait. Il insiste sur le fait que je dois répondre à son interrogation et ne paraît pas décidé à me laisser partir. Trop tard, je n'ai pu maîtriser ma réaction. Je viens de taper du pied, telle une enfant contrariée et furieuse. Je le regarde en faisant la moue, tout en murmurant  ''oh, Azel ...'' sur un ton de reproche impatient. Et dans ce murmure transparaissent à la fois mon impuissance et ma prière. Je lui demande implicitement de cesser cette scène. Je ne veux pas me fâcher avec lui. Azel baisse son regard vers le pied qui vient de taper le sol et un sourire apparaît sur ses lèvres alors qu'il relève la tête. ''D'accord'', dit-il, avec ce sourire qui m'indique qu'il est enfin satisfait : Azel voulait une réaction, il la tient. Et la réaction en question, aussi peu adaptée au monde professionnel que la sienne, semble le réjouir. Ce sourire triomphant me semble infiniment craquant. C'est aussi celui d'un enfant capricieux qui a enfin réussi à vous faire céder. Azel pose sa main sur la cloison vitrée de son bureau et regarde au loin, enfin calmé et serein. J'ai envie de lui faire remarquer qu'il m'empêche de partir, au lieu de quoi je le regarde et attends patiemment qu'il me laisse sortir. Il ouvre la porte, enfin rassuré sur sa capacité à maîtriser le cours des événements, souriant et tranquille. Je lui souris à mon tour : je suis vaincue mais sans colère.

Je le répète, Azel est plein de ressources. Les gens semblent généralement nous considérer comme des frères ennemis, des enfants terribles censés s'entendre comme chien et chat. Un poncif, en somme. Ce en quoi ils se fourvoient lourdement. D'abord parce qu'aucun de nous deux ne peut être comparé à un chien, ensuite parce que la similitude de nos typologies si particulières crée un lien subtile et invisible entre lui et moi. Aussi, et contre toute attente, Azel m'est-il bien plus proche que la plupart des gens. Je ne pense pas qu'il s'en rende compte, mais je reconnais en lui l'un de mes pairs, tandis que mes congénères me laissent généralement parfaitement indifférente et froide. Pour autant, je les laisse dans leurs béates considérations, en rajoutant même une bonne dose sur la supposée haine que je devrais ressentir vis-à-vis d'Azel.

L'ai-je déjà dit ? Je suis très joueuse.

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